En association avec Mediapart et l’EIC (réseau de 15 médias européens d’investigation), France 3 Hauts-de-France et Médiacités ont lancé des séries de révélations issus de la saison 2 des Football Leaks sur les clubs de la région. Après Lille lundi, c’est au tour du RC Lens d’être concerné ce mardi.

L’enquête réalisée par France 3 Hauts-de-France et Médiacités, avec des réponses apportées par Joseph Oughourlian et Ignacio Aguillo, permettent d’en savoir plus sur la reprise du RC Lens par Solferino et l’Atletico Madrid en 2016 alors que le club se trouvait en grande difficulté sous l’ère Hafiz Mammadov. Au sein du club espagnol, où l’on connaissait bien Hafiz Mammadov en raison du sponsoring via le slogan « Azerbaïdjan, Land of Fire », le plan était nommé « Projet charbon ». L’Atletico Madrid cherchait alors à se développer à l’international. A l’époque responsable de ce secteur de travail au sein du club espagnol, Ignacio Aguillo, qui restera un an auprès du Racing, détaille notamment : « Dans mes fonctions à la BNP Paribas, j’ai fait quelques opérations en Azerbaïdjan. J’avais rencontré M.Mammadov et on a développé une relation au fil du temps. C’est Hafiz Mammadov qui me sollicite pour l’aider à trouver une solution pour Lens. A l’origine, il me demande de m’occuper du RC Lens, mais je n’avais pas vocation à m’occuper du club. Petit à petit, j’ai pris conscience de la situation et du besoin de nouveaux fonds, et c’est là que j’ai conseillé à Hafiz Mammadov d’accepter de trouver un repreneur pour une partie ou la totalité du club. »

Si l’Atletico Madrid a toujours été au mieux actionnaire minoritaire derrière Solferino, il envisageait bien une reprise en tant qu’actionnaire majoritaire au départ. Un rachat à 51% pour 8 millions d’euros était dans les tuyaux. Un tarif jugé trop élevé en Espagne. Le prix d’achat est par la suite revu à la baisse à 2 millions d’euros pour devenir majoritaire plus 2 millions de bonus en cas de performance comme une montée en Ligue 1, mais aussi la possibilité pour la RCL Holding ou le Baghlan Group de racheter les parts d’ici au 31 juillet 2017. Ce qui aurait pu permettre un retour d’Hafiz Mammadov en cas de meilleure sante financière. Mais le plan de rachat du RC Lens ne fait pas l’unanimité parmi les têtes pensantes de l’Atletico Madrid. En janvier 2016, il est alors question d’un nouveau Projet Charbon n’évoquant plus qu’une collaboration entre l’Atletico et le Racing, quand le club espagnol est privé de recrutement par l’UEFA. Ignacio Aguillo confirme à France 3 Hauts-de-France et Médiacités que la société londonienne Arbitrabantu Avdisors Limited (AAL), lui appartenant, doit d’abord jouer le rôle d’actionnaire majoritaire. Célèbre agent aux fortes relations, Jorge Mendes a même été contacté pour évoquer d’autres possibilités, à l’image d’un groupe chinois qui reste à identifier. Le 25 janvier 2016, devant la DNCG, le partenaire de l’Atletico Madrid pour la reprise du RC Lens reste à trouver. Grégory Maquet, de Century 21, est une piste envisagée par Ignacio Aguillo, mais il n’y a pas eu d’accord avec Hafiz Mammadov. C’est alors que Joseph Oughourlian et Amber Capital entrent dans la danse après qu‘Ignacio Aguillo ait été mis sur la piste par une connaissance. Joseph Oughourlian raconte : « Moi je ne connaissais pas très bien le RC Lens, j’avais déjà un club de football en Colombie, je n’avais pas peur du football. Ce sont des investissements perso, ce ne sont pas des investissements Amber, parce que mon fonds se dédie à faire d’autres choses […] Ce qui était attirant, c’était le côté financier, parce qu’on rachetait le club pour rien, en sachant qu’il fallait tout de suite mettre de l’argent dedans. Le club fait des pertes structurelles, mais il y avait un calcul financier derrière, on se disait qu’on pouvait équilibrer les comptes et puis il y avait aussi l’espérance que l’Atlético arriverait avec leur connaissance du football et qu’ils nous aideraient, qu’ils nous prêteraient des joueurs, qu’on ferait des échanges avec eux. »

Hafiz Mammadov s’était vu initialement proposer 25% des parts pour un actionnariat à 3 têtes, avec une possibilité de rachat. Mais l’Azéri ne signera jamais le deal même s’il essayera, trop tard, de faire marche arrière. Ignacio Aguillo explique à nos confrères ne pas comprendre pourquoi cela s’est déroulé ainsi. Si l’Atletico Madrid, venu au départ pour Hafiz Mammadov, aurait pu se retirer, le club espagnol ira au bout en prenant 34,6% des parts, entretenant notamment de bonnes relations avec Joseph Oughourlian, qui s’était déjà pris au jeu du RC Lens. Il a mesuré la catastrophe sociale qui pourrait survenir si un tel club venait à couler et s’y est déjà attaché après plusieurs venues et ses rencontres avec Gervais Martel. C’est ainsi qu’avec Solferino, il a pris les 2 tiers du capital. Ignacio Aguillo continue lui d’entretenir des discussions avec des potentiels investisseurs chinois comme Dewin Sports, avec notamment l’idée de faire du Racing une destination intermédiaire pour des talents chinois. Cela n’aboutira pas. Joseph Oughourlian craignait notamment que cela vienne compliquer le fonctionnement du club. « Je sens quand même que sur beaucoup de sujets, Ignacio est un peu léger et que celui qui maîtrise, celui vers qui, à chaque fois, les yeux se tournent et tout le monde se dirige, c’est un peu Gervais qui a quand même 30 ans de gestion du club. Soyons clairs, les Espagnols n’aiment pas du tout Gervais. D’ailleurs, ils veulent s’en débarrasser tout de suite. Moi je dis : « Non, faisons une transition ». On ne peut pas se débarrasser d’une figure comme Gervais Martel, comme ça au RC Lens », précise le président lensois depuis juin dernier. Les choses vont s’accélérer quand le club sera en quête d’un nouveau directeur financier. Ignacio Aguillo tarde trop aux yeux de Joseph Oughourlian qui prend les choses en mains. « Je n’en pouvais plus, je n’avais pas de reporting, pas de chiffre, il n’y avait rien, on était à vau-l’eau. Ignacio n’était jamais là, il était une fois en Chine, une fois aux Antilles ou en Inde. Il faisait 50 deals à la fois et il ne s’occupait pas de Lens. » Arnaud Pouille, désormais directeur général, est nommé le 13 mars 2017 alors qu’Ignacio Aguillo sort de l’organigramme. Ce dernier invoque des problèmes d’ordre privé et reconnait qu’il ne pouvait pas consacré assez de temps au club. Le nouvel organigramme s’attarde à régler les différents problèmes financiers qui peuvent survenir au RC Lens ou encore les mercatos mal gérés, celui de l’été 2017 étant reproché à Ignacio Aguillo et Alain Casanova. Selon l’enquête, Cyrille Bayala aurait par exemple été acheté 1,65 million d’euros au Sheriff Tiraspol et Moussa Maazou 1,2 million à Ajaccio. Des joueurs arrivés en 2016 ont aussi eu de gros salaires comme Cristian Lopez, John Bostock ou Nicolas Douchez, à environ 300 000 euros bruts par an. S’en suivra un changement de directeur sportif, Eric Roy remplaçant Jocelyn Blanchard. Le club continue d’évoluer. Comme on le sait, l’Atletico Madrid se retire définitivement laissant Solferino seul aux commandes.. Les dirigeants espagnols n’ont pas répondu à l’invitation de nos confrères pour apporter leur éclairage sur les motivations de ce départ. Gervais Martel a quant à lui laissé la présidence en juin dernier après avoir cédé ses responsabilités opérationnelles, Joseph Oughourlian devenant le président et non plus seulement l’actionnaire. Retrouvez en cliquant ici l’intégralité de cette longue enquête remplie de détails avec sa partie 1 et sa partie 2.